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Petits et grands bonheurs d'une maman avec un handicap visuel
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2 juin 2014

Témoignage de Laure, maman dyspraxique

Chères lectrices, Chers lecteurs,

 

Une blogueuse, Laure, m’a fait parvenir son témoignage concernant la dyspraxie. Elle évoque dans le texte ci-dessous son parcours, de l’enfance à aujourd’hui, semé d’embûches.

 

La dyspraxie est plutôt un handicap méconnu. La dyspraxie est un trouble de l’acquisition de la coordination du geste souvent associé à à un trouble du regard ou de la construction de l’espace, parfois à à un trouble bucco-facial.

 

Cela se caractérise notamment chez l’enfant de manière suivante : maladresse, chute, difficultés pour coordonner les gestes, pour écrire, lenteur…

 

Mille merci Laure pour ton témoignage. Tu as fait preuve de courage et de persévérance face à tes difficultés ; Bravo !Tu nous rappelles qu’il faut se battre, s’accrocher!

 

PS : Lectrices, Lecteurs,

Comme Laure, n’hésitez pas à me faire parvenir vos textes si vous voulez partager votre expérience de vie.

 

 

« Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs d’enfance, la vie pratique m’a toujours parue très compliquée.

 

 Déjà enfant, je n’arrivais jamais dans toutes mes activités au même résultat que les autres enfants, sans savoir pourquoi. Et, j’en ai conçu une véritable culpabilité et des complexes croissants.

Impossible de jouer au football (j’étais en primaire en Côte d’Ivoire dans une petite école privée de 10 enfants avec uniquement des garçons). Et dès le départ je me suis retrouvée à l’écart de leurs jeux à toutes les récréation.  J’essayais aussi diverses activités comme la danse, mais impossible de tenir en équilibre…tout ce que j’essayais ratait ou était terriblement long à obtenir.  Mais, j’avais quelques bonnes amies malgré tout. J’étais dans un environnement protégé avec une maîtresse qui m’aimait bien et s’occupait beaucoup de moi.

Donc, mes difficultés se voyaient moins et je vivais dans un système plus détaché des apparences et des codes sociaux.

 

Quand je suis arrivée en France au collège les ennuis ont commencé. J’arrivais dans un environnement dont les valeurs m’étaient totalement étrangères dans une société dont je me sentais à des années lumières !.

A  l’école le rythme avait changé, je suis passée de 10 enfants et une maîtresse très attentive à une classe de 30 enfants de culture complètement différente avec des tas de professeurs qui n’avaient aucun temps à me consacrer. Les ennuis scolaires sont arrivés aussi avec un nouveau rythme de travail et ma dysgraphie qui a commencé à me peser . En effet j’étais totalement incapable d’écrire et d’écouter à la fois (sans en avoir conscience) ce qui fait que je ne notais qu’un mot sur deux .Au final, à la fin du cours je ne pouvais jamais me relire.

 

 C’est ainsi que mes difficultés scolaires se sont aggravées.

Parallèlement ces difficultés scolaires se sont doublées d’une incapacité à m’intégrer à toutes les activités collectives, sportives compte tenu de mes difficultés psychomotrices non détectées. Ce qui fait que j’ai passé une partie de mon collège seule ou bouc émissaire d’enfants méchants avec moi et un sentiment de désarroi complètement intraduisible pour moi concernant son origine !

 

Mais, mes complexes s’aggravaient, physiques, sociaux, intellectuels et j’ai du mon salut au fait de venir d’une famille instruite et d’une certaine ténacité à travers l’adversité …

Je suis devenue une sorte de zombie perdue dans son chagrin et sa révolte vis-à-vis de cette société qui lui semblait toujours autant étrangère et inhospitalière.

Outre le fait que tout cela m’a conduit très tôt dans une dépression dont je n’avais pas conscience, j’avais le sentiment comme Sisyphe de pousser un énorme rocher qui ne bougeait jamais. Je me sentais incapable de tout.

 

 Et le paroxysme de ce sentiment d’échec s’est manifesté quand j’ai réussi à intégrer une classe de prépas littéraire. Le rythme était si dense que je n’arrivais plus à rien noter du tout ni à comprendre quoique ce soit. J’ai fini vraiment par me persuader que je n’arriverai jamais à rien.

En dehors de l’école, j’étais une jeune fille timorée, je n’avais aucun succès avec les garçons car je me détestais violemment avec ce corps qui ne m’obéissait pas, cette société qui me paraissait tellement superficielle ; je vivais quelque part presque déconnectée du réel tellement je me sentais malheureuse ; je souffrais en permanence dans mes relations sociales ; j’étais une véritable écorchée vive.

 

La situation s’est améliorée sensiblement vers l’âge de 20 ans lorsque j’ai quitté le foyer familial pour aller faire mes études dans une autre ville. J’ai d’abord résidé dans un foyer de religieuses où j’ai rencontré des copines formidables  très ouvertes et sensibles. Pour la première fois j’ai ressenti ce sentiment d’être enfin intégrée dans un groupe. Je me suis mis à devenir sociable, à rire, à m’amuser, à m’épanouir dans des relations humaines.

 Mais, mes difficultés scolaires étaient toujours présentes alors que je commençais tout juste aussi à m’accepter.

 J’ai malgré tout fini par décrocher péniblement un concours ce qui m’a donnée l’impression que j’avais fait déjà un grand chemin… Je commençais enfin aussi à me sentir intégrée socialement, et j’ai été prise d’une envie de sortir très fréquemment et de voir beaucoup de monde.

 

Parallèlement, le travail ne se passait pas très bien, compte tenu de mes difficultés psychomotrices et d’automatisation des tâches. Je n’étais jamais à hauteur de la tache demandée et souvent critiquée… J’en éprouvais une profonde mortification qui ne faisait qu’aggraver encore mes complexes.

Je me disais intérieurement qu’il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez moi, et je ne savais pas quoi…

 

Quand j’ai eu la chance de rencontrer quelqu’un tardivement (à 34 ans ) et de l’épouser je me suis sentie de plus en plus  épanouie. Surtout quand j’ai eu mes enfants. Mais, la vie pratique qui avait toujours été quelque chose de lourd et de compliqué pour moi est devenu un vrai fardeau quand il s’est agi de gérer une économie familiale. J’étais complètement perdue dans l’organisation, le rangement, la planification toutes ces taches un peu opposées à mes prédispositions naturelles  !

Mais, j’ai fini par faire quelques progrès, grâce aussi à l’aide efficace et au soutien de mon mari. Puis, ma belle-sœur qui a un enfant dyspraxique m’a tout de suite détectée comme étant une possible dyspraxique en observant mon comportement ! Cette prise de conscience a fait son chemin…

 

 Il y à 3 ans  j’ai commencé à me renseigner sur ce handicap et à m’y reconnaître complètement et aussi à comprendre pourquoi j’avais ce sentiment de porter un fardeau depuis toujours. Tout s’expliquait autant sur le plan physique que sur le plan des difficultés psychologiques inévitables !

.J’ai souhaité alors, poussée par ma belle-sœur et mon ancienne chef au boulot, une femme très bienveillante et consciente des difficultés que j’avais rencontrées et des conséquences négatives qu’elle avaient eu sur ma vie professionnelle, à faire cette reconnaissance de handicap. Je l’ai obtenu il y a 6 mois et cette reconnaissance m’a apporté un véritable pardon envers tout ce que je cataloguais comme échecs, insuffisances, humiliations, discriminations.

 

Je me réconcilie à présent avec moi-même et  avec toutes les facettes de ma vie remplies de mes tristesses du passées. Je relis ma vie aussi sous un autre angle et je remercie la vie pour tout ce qu’elle m’a apporté au-delà de mes souffrances, en particulier des rencontres essentielles tout au long de mon parcours chaotique avec des personnes formidables, généreuses, bienveillantes à qui je dois ma renaissance d’aujourd’hui. »

 

 

                                                                                                                                Laure  ( 43 ans)

                                                                                                                     

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